Résidence d’artistes à Torigni-sur-Vire – Mathilde, 1 ère semaine de résidence

L’association Bouillonnant Valthère en partenariat avec la mairie de Torigny-les-Villes a lancé un appel à candidatures pour une résidence de territoire, au premier semestre 2024, sur le thème “FAIRE ENSEMBLE/VIVRE ENSEMBLE, nos espaces publics, enjeux de territoire, marqueurs de société”.

La résidence acceuile Céleste Thouin et Mathilde Bennett, 2 artistes issus de disciplines différentes pour porter 2 regards distincts mais complémentaires sur le sujet. Les artistes travaillent avec et sur le territoire. Leurs démarches et leurs processus créatifs comportent une dimension collaborative et participative. 

Carnet de bord de la 1ère semaine de résidence de Mathilde.

On part du gite, du coeur du bourg de Guilberville afin d’explorer les alentours. Quelques habitants
nous ont déjà donné des indications, mais on va aussi suivre simplement notre instinct.

On marche, on avance, entre les gouttes. On cherche, les yeux et les oreilles grandes ouvertes. On ne sait pas vraiment ce qu’on cherche mais on est très concentrés.

Je crois qu’on cherche surtout, depuis le début de cette première semaine de résidence, à comprendre. 

Comprendre le lieu où on a atterri tous les deux, alors qu’on ne se connaissait pas il y a encore quelques jours.
Comprendre géographiquement, comment s’articulent les quatre fameuses communes qui composent Torigny-les-villes. Comprendre qui peuple le territoire. Comprendre comment les gens ont vécu dans ce morceau de monde, et comment ils y vivent aujourd’hui. Comprendre le château, le mur, l’étang, ses pêcheurs, ses poissons et ses arbres coupés, puis replantés. Comprendre l’autoroute, comprendre la proximité avec Caen et Vire. Comprendre les immenses prairies et le peu de fermes et comprendre l’usine. Comprendre les écoles, le marché aux veaux, les églises, et toutes les infrastructures qui communiquent depuis la fusion de la commune. 

Comprendre les amitiés et les conflits, les traditions des anciens et les motivations des nouveaux arrivants.

Pour moi qui suis habituée à avoir toujours la mer à mes côtés, comme repère rassurant, c’est un peu l’inconnu d’arriver dans ce nouveau monde terrien à découvrir. Mais je suis ravie et j’ai hâte de me sentir ici comme un poisson dans l’eau de la Vire. Je crois qu’il faut y aller en douceur, avec délicatesse et une certaine discrétion lors des premiers échanges, pour créer des liens.

Entre les différentes rencontres organisées par la mairie et l’association, mais aussi les discussions imprévues et déjà très riches, on marche. A travers les villages et les paysages, on cherche. On cherche, autour de l’étang, dans la ville et les bourgs, puis dans des espaces plus reculés, plus naturels, derrière les talus, au pied des troncs d’arbres, en parlant aux vaches et aux moutons. 

On note dans nos carnets, on prend des photos, on ramasse des fragments de Torigny-les-villes.

Je vois Céleste qui repère des éléments du paysage bien particulier, un peu différents de ceux que mes yeux attrapent, mais nos questionnements sont tout de même assez proches. Je ne le connais que depuis quelques jours mais je vois déjà son attirance pour les petits tas de terre, amas de ronces, et autre branchages dans lesquels il imagine se cacher, ou qui pourrait devenir de futurs costumes ou cabanes dans la ville.

Pendant nos balades, mes pensées s’éclaircissent, puis se mélangent à nouveau. Beaucoup d’intuitions, comme les pièces d’un puzzle qu’il faudra assembler. C’est le début, il faut tout absorber, pour plus tard, trouver une certaine logique, un fil conducteur et une narration, pour donner la voix aux habitants et au paysage, et la partager au plus grand nombre.

Avant notre arrivée, au moment de l’appel à candidature, c’est l’objet du «banc» qui m’avait poussée à postuler en lien avec la question de l’espace public. Le «banc» au sens large. Le «banc» créé par et pour un corps qui s’arrête et s’assoit un instant dans la ville et dans le paysage : un banc construit, une marche, un rebord de fenêtre, la rambarde d’un stade de foot, mais aussi un rocher, un tronc d’arbre, un même un coin d’herbe. 

Le banc, chaise individuelle ou collective, lieu de l’attente et de l’impatience, de la pause et du repos, de la contemplation et de la rêverie, un monde en soi, comme une île, un refuge …

Depuis notre arrivée en début de semaine sous le ciel gris, les bancs apparaissent bien déserts, et humides.

Mais ils sont là et sont nombreux. J’en fais l’inventaire, petit à petit. J’essaye de sélectionner un banc par commune, aux caractéristiques et aux histoires différentes. 

A Giéville, c’est le banc du cimetière, lieu de recueillement, qui retient mon attention. Je verse une petite larme, bercée par quelques souvenirs.

A Brectouville, c’est sur un arbre géant, tombé depuis une tempête, que je m’assois longtemps pour dessiner dans mon carnet. C’est aussi un rocher, qui offre un panorama impressionnant, que je prends le temps de photographier. 

A Guilberville, les talus d’herbes, voisins de quelques vaches m’inspirent beaucoup, ainsi que le banc installé «en plein vent» (dire des habitantes) dans un angle de l’église. Lors de la messe du vendredi, j’observe longtemps les bancs de l’église, dont la longueur permet d’accueillir de nombreux corps en même temps. 

A Torigny, c’est assise sur le rebord des pêcheurs habitués, en face de l’île inaccessible de l’étang, que mon esprit divague en imaginant la vie de ces habitants indésirables, les ragondins.

Au fil de la semaine, je note le contraste entre la certaine froideur et le côté un peu aseptisé des bancs «construits» des bourgs, et la vie qui fourmille au creux des bancs-rochers et troncs d’arbres. 

Comme si ceux déposés par les hommes n’avaient pas encore eu le temps d’accueillir beaucoup d’histoires, beaucoup de corps. Je me questionne. Mais je n’ai pas encore de réponse.

J’ai hâte de revenir pour continuer de compléter le puzzle, et pour commencer à faire communiquer les bancs, petites îles dans la ville de Torigny-les-villes. Ou Torigny-les-îles, comme je commence à l’appeler dans mon carnet. Une première intuition de récit se dessine…Mais il est un peu trop tôt pour en parler.

Les habitants invités à s’exprimer

L’artiste en appelle aux habitants : « À vos plumes ! invite-t-elle. Prenez le temps qu’il vous faudra et posez vos pensées sur le papier, avant de les poster dans la boîte aux lettres… Une longue lettre, quelques phrases ou quelques mots, un dessin ou une photo, tout est accepté. »

 
Les témoignages pourront être déposés dans une des boîtes aux lettres, installées près de bancs que Mathilde Bennett a choisis aux Cheminées des Roches-de-Ham, à Brectouville ; près du cimetière de Giéville ; près de l’église de Guilberville ; au Pont-Bénédict, à la médiathèque et à La-Clairière-des-Bernardins, à Torigni-sur-Vire.

Contact. Mathilde Bennett, tél. 06 59 09 05 75 ; e-mail, mathilde-bennett@hotmail.fr

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